Paroles Sur La Colline de : Ahmed Bessadat


PAROLES SUR LA COLLINE de : Ahmed Bessadat

الأستاذ أحمد بسادات هو إبن عين بني مطهر، أصله من سيدي بلعباس بالقطر الجزائري الشقيق ويعمل في قسم المحاماة

Que de fois, assis à l’ombre d’un Olivier,
Les nuages se mouvant au gré du vent,
Mon esprit volage abandonnant mon corps pétrifie,
Voguait en plein ciel, planant sur BERGUEM bien souvent.
BERGUEM, mon village natal, je te dédie cet ouvrage,
Exprimant des sentiments affectueux et sincères
Dans l’espoir de m’acquitter de ce message,
Et libérer mon âme avant que tout ne soit réduit en poussière.

Toi, BERGUEM qui m’a donné le jour et la vie
Toi, qui m’as vu tant de fois pleurer et sourire,
C’est en pensant à toi que j’ai envie
De sortir d’un exil qui me fait souffrir.

J’ai envie de m’asseoir et me mettre à l’aise,
Sur une natte au café de Si EL Mahdî,
Sirotant du thé préparé sur les braises
Plutôt qu’un jus au « café Riche » ou au « Coq Hardi ».

BERGUEM ! Sais- tu qu’en souvenirs riche est ton passé.
Tellement qu’il y en a je ne sais par quoi commencer.
Dommage que personne ne soit là le temps d’un soir
Pour éclairer mon esprit et me rafraîchir la mémoire.

Au moment où tout le monde, la nuit dort,
Au moment où l’enfant se blottit contre le corps
De sa mère, attendrissant, récitant des prières,
Laissant couler des pleurs de ses paupières.

Au moment où je respire, l’aurore, l’air des champs ;
Mon âme fugitive émerge du néant en silence
A cet instant, je reviens à toi, village de mon enfance

Que de souvenirs encore gravés dans ma mémoire
Que je ne saurai, de mon âme, effacer,
Me hantant sans cesse, matin et soir
Me rappelant O ! Combien souhaitées les images du passé.

Que de nuits sans sommeil sassant et ressassant,
Sous un ciel noir étoilé ou régnait, en maître, le croissant,
Les rêveries d’adolescent aux bords des ruisseaux,
Les moments crépusculaires, le chant des oiseaux

La saison des pluies, les rigueurs de l’hiver,
Le vaste horizon, la rudesse du désert,
Les épis, bercés par le vent, prêts à mûrir.
L’orphelin, ses pleurs et ses profonds soupirs

Ils jaillissent de mon esprit à toute heure,
Tantôt douloureux, tantôt plein de bonheur,
Avec leurs lots d’ombre et de lumière,
Inondant les champs et les humbles chaumières

Rien n’était plus beau que de voir
Les fleurs vermeilles s’épanouir au printemps,
Les roseaux se mouvoir avec la brise du soir,
Les cigognes se pavaner dans les champs,
Les enfants au sourire angélique et charmant,
Le soleil au doux relief de diamant.

Que dire des vastes champs de légumes et de luzerne,
Irrigués par des rivières caracolant dans la plaine,
Peuplés d’arbres fruitiers et de rustique demeures,
Paradis pour paysans éreintés, ruisselants de sueur

Peut –on oublier les délices de El Haoiara , notre « plage »
Aux eaux claires ou se miraient de formidables ombrages,
N’ayant son égal ni sur la côte ouest d’Amérique,
Et encore moins en Méditerranée, pas plus en Atlantique.

Presque tous les jours de l’année que dieu fait,
ElFokra , dont le symbole n’étant autre que El Hamba
Les nantis à dos d’ânes, les déshérités à pied
Se rendaient aux prés sans se soucier de la vie ici –bas.

Ouled Kaddour, habitués à errer au village,
Traversaient Essed, évitant un inabordable rivage
Les privant d’admirer, l’été, un paysage d’amour ;
La nuit étant, à cette époque, pus belle que le jour

Tout le monde dormait à la belle étoile
Emerveillé, admirant dans un silence pieux,
Les astres illuminant un ciel sans voile,
Qui semblait prédire la joie dans un monde radieux,

Quant rêveur flirtant avec l’étoile du berger,
Revivant les soirs, veilles du souk.
Et par tant de souvenirs submergé,
Je revoyais la silhouette de Cheikh El Metrouk.

Debout, comme un lion dans la savane,
Le regard intelligent, faisant voltiger sa canne,
Arborant un sourire malicieux, frottant les mains,
Il pensait déjà au gain qu’il réaliserait le lendemain.

C’était l’occasion, aussi, pour les adolescents
De s’adonner à cœur joie, dés le jour naissant,
Courir dans tous les sens, le crâne rasé, les pieds nus
Malmenant les campagnards crédules sans retenue

Le lendemain, alors que l’aube émergeait de l’Horizon
Et qui si Berrabah appelait à la prière et à la raison,
Tu te réveillais de ton sommeil, abordant chaque mardi,
Dans la ferveur, le coeur plein d’extase et de mélodie.

Et quand la clarté de l’aurore se faisait intense
Et que la vie reprenait avec l’art et la manière,
Des troupeaux de moutons revenant de la transhumance.
Arrivaient, par vagues, soulevant un nuage de poussière.

Les béliers en tête, emmenant brebis et agneaux,
Des chèvres indisciplinées, imitées par leurs chevreaux,
Sortant des rangs, se faisaient rappeler à l’ordre
Par des bergers faisant usage de leurs cordes

Toutes ces bêtes protégées par des poils ou toisons,
Sous le soleil et la pluie, ça dépend de la saison.
Séparément garrottées corps contre corps.
Attendaient que l’homme daigne décider de leur sort.

L’ambiance était, également, dans les écuries,
Partie prenante du village, outre la jumenterie.
Combien y en avait-il ? neuf, dix peut être d’avantage.
Gérées par Belhadji , Bezza et autre Barka le sage.

C’était un relais rassemblant des hommes et des bêtes,
Logés à la même enseigne mieux que ne l’aurait espéré Noé,
Se servant harmonieusement du dortoir et de toilettes,
Se saluant « bêtement » et se faisant même des souhaits

A la fin de l’été, gaie, paisible et sereine,
Tu voyais le soleil, autrefois radieux, devenir palissant,
Se lever sans enthousiasme et se coucher avec peine
Et la verdure s’effaçant devant un feuillage jaunissant.

L’été emportant plaisirs et extases sublimes,
Offrait la douce nature aux jours gris d’un automne
S’annonçant brumeux et morose comme de coutume
Par des longues nuits ténébreuses et monotones.

L’arbre dégarni, le sol jonché de feuilles mortes,
Cheikh Ouled El Meskini , vieux célibataire,
Constatait avec mélancolie une âme agonisante
La flore qui se mourait devant le vide et le désert.

De pauvres gens, sans ressource et sans gîte,
Dans ce monde misérable rejetés, seuls et taciturnes.
Voyaient, d’un œil triste, un ciel s’assombrir vite,
Présageant des jours blafards et des nuits sans lune.

BERGUEM ! Sais –tu que, ni Alger la blanche avec ses grande artères,
Ni Oran El Bahia et son superbe front de mer,
Ni Bel Abbés, son vignoble et riche terroir,
Ni Tlemcen, ni Cirta, villes d’art et d’histoire,
Ne pourront extirper, de mon cœur ta passion.

Ni le sud, ses palmeraies et ses oasis à ciel ouvert,
Ni Adrar ni Ilizi et leur climat tropical,
Ni Ghardaïa et ses beaux mausolées dont elle est fière,
Ni Blida ville des roses et du festival
Ne me font oublier ton soleil radieux et éblouissant.

A mille lieux, j’entends le zéphyr caressant tes roseaux,
A mille lieux, j’imagine le murmure de tes eaux,
A mille lieux, je respire ton air au parfum si doux
Au moment de la traite des vaches et du retour du troupeau.

Que sont devenus tes nombreux arbres et rivières
Où se rafraîchissaient les chevaux, au vent, les crinières,
Tes ruisseaux ombragés et tes majestueux peupliers
A l’ombre desquels, tristement le soir, je m’asseyais

ELGARA que nous avons escaladée, tous, un jour
A la recherche de l’inspiration et de l’amour,
Dominant les champs verts, loin, à l’horizon,
Paysage enchanteur, sublime et ravissant.

Au pied de cette colline prodigieuse
Se profilait le rail sur une étendue rocailleuse
Et le train desservant la ligne Bechar –Oujda, par Bouarfa,
Cloué au pilori, ne sifflera plus trois fois.

Que diable est-elle devenue la coquette petite gare ?
Que nous admirons à l’arrivée du train et au départ
Signalés par des sifflements, tantôt courts, tantôt longs
S’immobilisant et s’ébranlant dans un fracas assourdissant.

Elle n’est plus la même gare qui égayait le village.
Abandonnée, saccagée, elle a tout perdu au passage
De vandales aussi dévastateurs qu’un cyclone ou un typhon
C’est aussi douloureux qu’une mère perdant son enfant.

Si un responsable sans foi, ni loi, a profané ton prestige,
La nature n’a pas, pour autant, ménagé tes vestiges.
Que de ravage ont été l’œuvre de L’AM SAKSKHA en furie
Ou du capricieux OUED CHAREF débordant son lit.

Rien ne leur résistait, emportant tout sur leur passage,
Hommes, bêtes, arbres, cailloux et autres buissons,
Les rejetant, beaucoup plus loin, sur le rivage ;
Mauvais présage précédant le temps des labours et des moissons.

LAGRABA, havre de paix de sidi Blal.
Qui en avait fait son empire,
Reliant Harg El –Assel, éclairé par l’étoile
Qui se lève, le soir, dans l’azur

Sillonnée par des ruelles tortueuses,
Trop étroites, en hiver boueuses ;
Cernée de petits murs gris et maussades
Un asile pour pauvres gens, réfugiés et nomades

Ils étaient tous vieux ou presque
Pour qui le temps n’était plus important,
Assis, le dos au mur à la peinture fresque,
Egrenant leurs chapelets en attendant
L’heure ou la rosée ou soleil s’évapore
Comme la vie qui ne résiste point à la mort.

Ils se racontaient des histoires d’une autre ère,
Telle que la grande épopée de l’Emir Abd El Kader.
Ou l’insurrection de C cheikh Bouamama
Couronnées par d’éclatantes victoires
Dans les monts de Beni Chograne et les steppes de Naama
Fiers de ces guerriers qui enivrérent l’histoire.

Sidi Brahim, un des nombreux marabouts,
D’une grande piété toute particulière,
Accueillant les populations des hameaux,
Inondait la région de chaleur et de lumière.

Béni par tous les dieux,
Honoré par la population qui la vénère,
Entouré d’anges et protégé par les cieux
Les femmes l’exhortaient par des prières

« Ya sidi !Kheira, ma fille est venue te voir
« Elle ne dort plus, faisant des cauchemars,
« Ignorée par son mari, fils de chien
« Lui préférant Bakhta, la fille de voisin »

« Moi ô ! saint respecté par les rois,
« Dieu ne m’a pas donné de garçon,
« Ma concubine, la sorcière en a trois,
« Mal élevés, de vrais polissons
« Renversant tout sur leur passage ces vermines,
« Que me ferai –je pour avoir Lahcen et Lhoucine »

Toi, BERGUEM qui as donné la vie à de braves gens,
Honnêtes, disciplinés, gentils et bons,
Tu as enfanté des escrocs et des voleurs,
Des maquereaux et des bagarreurs
Je rappelle au bon souvenir de tous
Abderrahmane El Fayouh et Mohamed Boulanouar
L’un, grand et fort comme un ours
L’autre agile et dangereux comme un jaguar.

Toi, BERGUEM qui as donné la vie à de braves gens,
Honnêtes, disciplinés, gentils et bons,
Tu as enfanté des escrocs et des voleurs,
Des maquereaux et des bagarreurs
Je rappelle au bon souvenir de tous
Abderrahmane El Fayouh et Mohamed Boulanouar
L’un, grand et fort comme un ours
L’autre agile et dangereux comme un jaguar.

Les Berguemis se souviendront de la grande bagarre,
Déclenchée par El Fayouh et Ould Boulanouar
Dans une nuit couverte de ténèbres obscures,
Percée par moment, par la lueur des lampes à carbure
Eclairant, aux derniers veilleurs, leurs chemins
Le soir après une rude journée sens lendemain.

Les deux hommes se trouvèrent au bar LACROIX, face à face ;
Le vin coule à flots, les nerfs tendus, le calme fugace,
S’observant et épiant tout geste annonciateur d’une attaque,
L’un se fiant à ses poings l’autre comptant sur sa matraque.

Quand les esprits commencèrent à s’échauffer
Chaâla, par le vin éméchée, fit signe de la main
A sa fille Zaouïa, par son travail, occupée au buffet,
D’un imminent danger mais en vain.

Boulanouar, par qui le scandale arrive, sort du bar,
Et invite El Fayouh à le suivre dare- dare
Seuls face à face, comme dans une arène
Se portant des regards pleins de colère et de haine

Pris de vitesse un gourdin s’abattit sur sa tête,
Ould Boulanouar vacilla, bien sur ses jambes, il résiste
A la face d’El Fayouh il envoya un violent direct
Des lors, la rue se transforma en bataille rangée très vite

Le bar se vida en un laps de temps, la bagarre fit rage ;
Les coups fusèrent de toutes part, le sang gicla des visages,
Aux injures s’ajoutèrent des insultes très vulgaires,
Dans la foulée Hamou BOUGARA se vit envoyer les quatre fers en l’air.

L’histoire retiendra pour les générations futures,
Que ces « gladiateurs » prenant, à témoin, le monde et la nature
Ne cherchèrent ni gloire, ni vaincu, ni vainqueur,
Simples furent leurs funérailles, ils moururent en seigneurs.

Il y avait aussi, des mendiants, hommes, enfants et femmes.
Croupissant sous des kheimas ou habitant d’humbles chaumières
Rêvant tout éveillés devant l’âtre sans flammes
Dans un silence religieux des nuits noires sans lumière.

Un soir, le crépuscule jetant son manteau sur la plaine,
Un homme, aveugle, de haillons vêtu, répondant au nom de Lahdjaji
Déblayant d’un bâton sans chemin avance avec peine.
Le visage livide, il s’arrêta devant la demeure de Senhadji

Ayez pitié de ce vieillard ! disait –il d’une voix plaintive
De derrière la petite porte, en bois, entrebâillée,
Une femme sortit, maculée de henné, une main furtive,
Lui tendit une galette d’orge et du lait caillé.
Il but d’un trait le lait et mit dans sa gibecière
Le pain à l’abri de la pluie et de la poussière.

Je me rappelle un autre triste jour d’hiver,
De gros nuages couvraient un ciel menaçant.
On vivait à l’époque au milieu des ennuis et des misères
J’aperçus deux petits êtres de froid frémissant.

Debout, de loques vêtus, le regard perdu, chargé de pitié,
L’aîné à peine cinq ans, tenait par la main son petit frère,
Peur de s’en séparer ou peur de le perdre dans l’obscurité.
Peurs, tout les deux, de cette foule moins dense naguère.

Dans un sentiment de solidarité, deux âmes charitable
S’approchèrent de ces frêles créatures très vulnérables
Et se regardant tristement dans les yeux avec anxiété,
Tahar Oussaoud adopta l’aîné, Si Bentoumia le petit.

Un des événements marquant à l’époque ton histoire
Celui de Massaouda , mère d’enfants, le teint noir,
Courageuse et entreprenante, loin de la vieillesse,
Ne connaissant pas la fatigue et encore moins la paresse.

Au cours d’une nuit sombre sans étoiles
La lune n’étant pas au rendez –vous,
Elle décida après une discussion banale
De pénétrer, vaille que vaille, dans le jardin de Khroumou

Assise à califourchon sur un lit de paille,
Convaincue par un stratagème lui paraissant sans faille,
Elle décida après mûre réflexion
Et par le temps pressée, de passer à l’action ;
Enjambant la petite rigole jouxtant sa demeure,
Elle avança dans la nuit à pas comptés sans peur.

Elle commit l’erreur de sous estimer la vigilance de khroumou,
Ce vieux briscard qui, de son fusil, la tenait en joue ;
Jouant avec sa vie pour une poignée de fèves,
Messaouda regrettera, plus tard, l’imprudence d’une veuve.

Qui est là ? Lança t-il d’un temps menaçant,
Prise de panique, Messaouda à la faveur de la nuit
Bondit, aussitôt, derrière les buissons,
Se cachant doucement, sans faire de bruit
Jamais elle n’eut autant la frousse
Qu’un lièvre fuyant un chien a ses trousses.

Soudain une déflagration déchira le silence,
Atteinte à la cheville par une chevrotine,
Massaoua, traînant « la patte », maudit l’indigence,
La pauvreté, le veuvage et la famine.

La nouvelle se répondit vite à bout de champs,
Alimentant les commérages du matin au soleil couchant ;
Humiliée, elle jura, par ses Dieux, de se venger
Mais en vain, elle mourut un demi siècle après.

Autre histoires, celle de Lala Lalia, vivant en ermitage,
Dans le cimetière courbant, chaque jour, l’échine davantage,
Ne demandant rien à Dieu et au vaste univers
Si ce n’est que vivre loin de Ould Elaïdi et ses compères.

Ne craignant ni, la chaleur de l’été, ni le froid de l’hiver,
Ni la clarté aveuglante du jour, ni l’obscurité de la nuit,
Elle fuit autant le son, que l’image et la lumière
Ecumant sa rage à l’abri des curieux et loin du bruit.

C’est dans ce monde lugubre quand tout dort,
Qu’elle chercha la vérité ou se remémorer des souvenirs
Rampant de tombe,en tombe, interpellant les morts,
Du fond des tombeaux s’élevèrent des voix qui la déchirent.

Hurlant et vociférant des propos confus puis se tut,
Au moindre bruit, elle resta attentive,
Regardant le ciel couvert de gros nuages épais,
Prévenante, elle demeura sur le qui-vive

Il lui semblait entendre un esprit mystérieux l’appeler,
Serait –il celui d’un ange ou celui d’un démon ?
Elle trembla de tout son être le regard voilé,
Perdant toute lucidité jusqu’à ignorer son propre nom.

Tout à coup un éclair jailli dans le ciel noir de nuages
Précédant une grosse averse ou un violant orage,
S’en suivit le tonnerre brisant un silence total,
Lala Lalia trouva son salut accroché à une pierre tombale.

Mais l’aventure nous rendant,Lahbib et moi heureux
Eut lieu un jour bien ensoleillé du mois de juin,
Sur le chemin de l’école, le caractère envieux,
Revigoré par l’air frais du matin
Lahbib ,récitant, quelques vers chemin faisant,
Côtoya un homme assis , comptant de l’argent .

La rougeur lui monta au front
En voyant, étalé par terre,
Un billet neuf de mille francs
Qui changerait son univers
S’il arrivait à s’en emparer ;
Tâche difficile certes ! mais pas désespérée.

Il s’approcha de l’homme à pas de loup ;
Feignant une maladie et des douleurs,
L’homme continua ,sans détourner le regard de ses sous
A compter et recompter , comme s’il eut peur
De se tromper sur le juste compte ou pour s’en assurer ;
A cet instant , le billet fit « une virée »
Dans la poche de Lahbib ,il s’engouffra par enchantement,
C’est alors qu’il reprit son chemin allégrement.

Etant bons copains depuis notre folâtre enfance,
Partageant les moments de chagrins et de souffrances,
Lahbib, délirant de joie , me fit don de la moitié,
Par devoir aimait-il dire plus que par générosité.

Ce jour là le soleil brille aux éclats dans l’azur,
Les fleurs embaumèrent, d’odeur de jasmin, la nature,
Les papillons dansèrent une farandole entre les lilas
Et les plantes s’épanouirent dans les prés, ici et là.

Que de braves gens sont passés, depuis, de vie à trépas,
De Ba Aziz ,Si Aïssa à Mokradj oujda ,en passant par Pippa ,
De vrais hommes, tel le brave Rabah ou l’intrépide Ben Ali
De la candeur de Si Mohamed Rsol au génie de si Larbi.

Souvenez –vous de ces humbles faisant la joie du village
Zaki, Ali Citir, N’hari dont je garde une vivante image ,
De la nonchalance de khroumou au regard oblique de Touirto
Fidèle compagnon dans les beuveries du soir , de Ahmed Chato.

Si je m’amusais à citer les noms des gens au passé élogieux,
Si je m’évertuais à dresser la liste de tous les gueux,
J’userais énormément de plumes et viderai beaucoup d’encriers,
Je remplirais autant de pages que de matin le soleil se lève sans briller.

Je me contenterai de citer d’autres noms
De gens, ni riches, ni célèbres, d’autres de renoms,
Aux uns, gloires et fortunes, aux autres, peines et misères,
Ceux vivant au chaud et ceux bravant les affres de l’hiver

El Hadj Naïmi , notre Tolstoï ,Cheikh des Ouled Hamadi
Entretenant bien corps pour conserver santé et esprit,
Etalon arabe pur sang , destiné à la reproduction,
Il féconda une famille d’intellectuels , fainéants et paysans.

Caïd Si Bahous ,au regard terrible d’un émir
Seigneur vénéré ,se faisant obéir et se faisant servir,
Ecouté et respecté des siens ,redouté par ses ennemis,
Intransigeant, ne tolérant ni, adversité, ni compromis

Si Allal Ben Mohamed Mejdoubi,
Illustre théologien qui fut à l’époque ,notre cadi,
Certifiant actes et documents assis à même le sol
Aidé dans sa besogne par ses fidèles et serviteurs adouls.
Si Abdelkrim Ben Mohamed Ben Allal Ben Cheikh Bentayeb
Membre influent et guide des Ouled Sidi Abdelhakem,
Descendant des Ouled Sid Cheikh, renommés dans le Maghreb,
Fut député et plusieurs fois élu maire de Berguem.

Homme politique et avéré, soucieux des libertés,
Cheminant, avec prudence, d’abrupts sentiers,
Il oeuvra avec cœur et témérité dans le silence
Faisant preuve de discrétion et d’intelligence.

Il devint marocain par la force des choses,
Vivant ,âme et cœur , dans le passé,
Défonçant murailles et portes closes
Offrant le sacrifice de réaliser un vœu jamais effacé.

Djazaïri dés les premières lueurs de l’aurore
D’une vie accompagnée de chant pieux ,
Le sang de ses aïeux, dans ses veines coulant encore
Lorsque , résigné , il s’inclina devant la sentence de Dieu.

Homme sans épée, cependant homme d’action ,
D’une supériorité morale, pétri de qualités ,
Ignorant la rancœur , plutôt plein de compassion,
Homme combatif , homme vertueux , homme de pitié,
Homme téméraire , homme indulgent, homme simple
Il mourut de la mort des enfants du peuple.

Si El Mehdi , toujours par l’appât du gain ,attiré
Se rappela qu’en plus de la profession de cafetier
Il jouissait de la hardiesse d’un taleb timoré
Volant au secours, par la hantise terrifiés,
Des jeunes mariés, la nuit des noces, de ne pouvoir
Vaillamment remplir les devoirs conjugaux d’un soir

Dans le Hammam de El Bennani en fête,
Soigné par Chraïba et choyé par son vizir,
L’heureux élu , faisant sa grande toilette,
Se laissa emporte par l’extase et le plaisir.

A cet instant , Si El Mehdi fit une apparition
Bréve soit –elle que tout le monde remarqua
Impassible , affichant une suspecte intention
A l’adresse du futur époux qui ,aussitôt , paniqua .

Le soir ,en rejoignant, sous les you you , sa douce moitié
Dans la chambre nuptiale, embaumée de Bkhor et de lotion ,
L 'infortuné époux, par Si El Mehdi ,obsédé
Se sentit ,psychiquement ,impuissant dans l’action

Appelé à la rescousses et par l’argent alléché,
Si El Méhdi se sachant attendu, arriva « illico presto ».
Sûr de sa magie ou sûr de la naïveté affichée
De sa victime qui prit de l’assurance aussitôt.

Si El Mehdi ,l’homme à la valise rouge d’un jour,
Tel que décrit , si bien, par l’immortel Omar Bachkito
Ignorant tout des saintetés de l’amour,
Etait capable d’emmener son monde en bateau.

Il y avait aussi les Hadj Ali , Katan Chaabane Chtaïba ,
Lacroix ,Zaroual ,Damiens ,Jaquenot , Bouchta El Hamba
Hourgmane , Titoukh , Moulay Mellouk , Karassiona , Kribeche,
Bakha, Cheikh Barraho , Houmada , Lamkadem , Abdeslam et Latreche ,
El Khaladi , Benziane , Ameur , Balamdayer , Moulay Azzi,
Abdelatif ;(un bide de leu ) Sid el wali et Elkarzazi,
Cheikh ould Ameur , Bachir ould Lahdjaji , Dhaymine , Benslimane
Boualam Ou Mendil , Kaddour Znasni , Dris et larbi Ould Berchéne
Ouled Si Laredj , Ouled Benaïssa , Ouled Sassi et Ouled N’har,
Bami , Moise , Benkimoune, Drizi , Nessim , Zegai et Zibar,
Ahmed Tert , Bellagroun , Ould Chaïla , Ouled Maati , Bouhroura,
Si Mohamed Ben Abdelleh , dahou , Ouled Mina , Abdeljabbar, etc….
Ceux qui dansèrent au rythme de la valse et de la samba
Et ceux qui vibrérent au son du bendir et à la mélodie de la gasba.

Et vous braves génitrices, Mères et grand mères,
Tantes, sœurs et toutes les nourricières,
Kheira Lakhlifia , kheira Bent Sidi Ali, Souiliga , bakhtaouia ,
Taous, Hana Talia , El Kaouania et autres El Hachmia,
Je ne vous ai pas oubliées, vous êtes dans mon cœur,
Dans mes pensées prêtes à tout moment et à toute heure
Pour nous protéger du mal et contre les malédictions

Beaucoup de poètes rêvent de boire de tes eaux vives
Chanter, danser avec inverse entre tes larges rives ;
Ceux la même qui n’eurent pas le plaisir d’appréciai tes vertus
Prient pour tes héros, morts ou vivants le sais –tu ?

Et afin que nul mortel ne soit, dans ce monde, banni
Et afin qu’il ne se voit refuser, dans l’autre, le paradis,
La convoitise d’un seul grain de blé « EL MAROUANI »
Lui serait fatale comme l’apprit , à ses dépens , Bouazza fils de Cadi.

Enfin il serait aberrant de ne pas rendre hommage à Aïn Trian
Fief de Si Tayeb, le cycliste et du cantonnier COUKIANE ,
Douce quand la fraîcheur de la nuit , en été , s’installe
Animée par le bourdonnement des scarabées et le cri des cigales .

En fin de journée , le turban bien serré autour de la tête ,
Si Tayeb , tremblant de froid , rentre chez lui à bicyclette .
Seul , le corps penché en avant , le vent lui cingle le visage,
Respirant avec peine, il pédale encore et encore avec rage .

Et c’est maintenant à cause d’une affaire de frontière bête
Que je ressens ce que voulait dire Du Bellay , le poète ,
« Quand reverrai –je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison
Qui m’est une province et beaucoup d’avantage. »

BERGUEM , berceau de mon enfance , je t’adresse un lointain Adieu,
Je ne suis plus jeune , je suis devenue vieux
Je ne serai plus là pour entendre dans le silence
Les longs gémissements monotones d’un vent impétueux,
Les coassements des crapauds abondant les terrains marécageux,
Caresser les chevaux et entendre leurs hennissements.
Tout est envolé, je suis las, la mort me guette, je suis moribond.

Vous tous, hommes et femmes, bêtes, soleil, ruisseaux, brises pluie,
Hirondelles, colombes, perdrix, abeilles, le jour et la nuit,
Tous les arbres fruitiers, jujubiers, mûriers et Tmar Ettork ,
Introuvable sur les rives du Bosphore à Larnaka ou New York.

Thym , armoise , truffes , champignons, gerboises et fauvette,
Restaurant , gargote, cabaret, tripot et buvette ,
Je vous conjure , faites du jour de ma mort un jour de joie et de fête ,
Moi, votre frère et ami de toujours, Ahmed Bessedet.

Je fais miennes , sans fause modestie aucune,
Les belles strophes de l’écrivain Boileau
Sachant qu’après la mort vers laquelle je m’achemine
Vous viendriez, un jour, fleurir mon tombeau.
« U n poème insipide et sottement flatteur,
Déshonore à la fois son héros et son auteur. »